Le phénomène de la cinétose et son impact
Si voyager est souvent synonyme d’enrichissement, cela peut également entraîner une série de réactions moins agréables, notamment la cinétose, qui affecte entre 10 et 20 % des individus. Les symptômes associés à ce malaise sont bien connus des voyageurs affectés : nausées et autres problèmes gastro-intestinaux, maux de tête, vertiges, bâillements fréquents, perturbations de la régulation thermique comme des sueurs ou une transpiration accrue, ainsi qu’une sensation générale de fatigue.
La cinétose, ou mal des transports, n’affecte pas tout le monde de la même manière. « Les très jeunes enfants de moins de trois ans semblent être moins touchés. Cependant, les enfants entre huit et dix ans sont les plus susceptibles de souffrir de ces symptômes. À l’approche de la puberté, 30 à 40 % des jeunes peuvent expérimenter le mal des transports. Ce pourcentage diminue à 25 % chez les jeunes adultes et continue de baisser avec l’âge. Il est aussi fréquent que les personnes souffrant de migraines soient plus sensibles à ce problème », indique le Dr Nils Guinand du Service d’otorhinolaryngologie et de chirurgie cervico-faciale des Hôpitaux universitaires de Genève.
Le désaccord entre le cerveau et les mécanismes d’équilibre
La question se pose : pourquoi certaines personnes peuvent-elles lire en voiture dans des routes montagneuses alors que d’autres ne supportent même pas de regarder leur téléphone sur une autoroute ? Selon le Dr Guinand, « en situation de mouvement, comme en voiture, en train ou en bateau, trois systèmes interviennent pour nous permettre de percevoir le mouvement et de maintenir notre équilibre : la vision, l’oreille interne (système vestibulaire) et la proprioception (notre sens de la position du corps dans l’espace). Ces systèmes envoient des informations au cerveau qui, en retour, coordonne nos réactions corporelles. Si le cerveau priorise les informations d’un de ces systèmes, les symptômes du mal des transports peuvent apparaître en raison d’un décalage entre la perception réelle et celle enregistrée par le cerveau. »
Il existe des techniques et des traitements pour réduire ces symptômes, mais une méthode d’habituation peut aussi être envisagée. Jean-François Cugnot, physiothérapeute vestibulaire aux HUG, explique : « Cela ressemble à une désensibilisation allergique, où l’on expose progressivement la personne à des stimuli reproduisant les conflits sensoriels vécus pendant les voyages, augmentant la durée et l’intensité de l’exposition pour habituer le corps à gérer ces discordances. » Pour cela, le physiothérapeute utilise un fauteuil rotatoire, un casque de réalité virtuelle et une salle obscure équipée de signaux lumineux qui simulent le mouvement pendant que la personne reste immobile.
Quand le mal persiste même sur la terre ferme
Il est important de noter que les véhicules comme la voiture, le train, l’avion, le bateau et même les navettes spatiales peuvent provoquer le mal des transports chez les personnes sensibles. « En Suisse, par exemple, les passagers des trains ICN, qui sont des trains à caissons inclinables, ressentent souvent un malaise dû au roulis. Ce malaise survient car il y a un délai entre le moment où le train accélère dans un virage et celui où il s’incline, ce qui peut provoquer des symptômes », ajoute le Dr Guinand. Généralement, une fois le voyage terminé, les symptômes disparaissent, mais ce n’est pas toujours le cas pour ceux qui ont été en mouvement prolongé, comme les marins ou les astronautes, qui peuvent éprouver ce qu’on appelle le mal de débarquement. Leur corps, habitué au mouvement constant, a du mal à s’adapter à l’immobilité de la terre ferme. Jean-François Cugnot conclut : « Avec l’histoire récente des transports à grande vitesse, il est normal que l’organisme de certaines personnes peine encore à s’adapter à ces nouvelles conditions de déplacement. »
