Homélie de
Monseigneur Guy THOMAZEAU
archevêque émérite de
Montpellier
Heureux d'être
avec vous ce soir pour ce rendez-vous
coutumier en plein été
où chacun vient plus ou moins
clairement en pelerin, ou simplement par
intérêt pour la vie locale.
Fêter sainte Anne de Pays-Blanc
atteste l'appartenance à la
Bretagne revendiquée par le
littoral entre la Vilaine et l'embouchure
de la Loire. Sur ce rivage, La Turballe,
bien que moins abritée que Le
Croisic, s'avère le port de
pêche de référence.
Regarder ensemble vers le large,
même sans prendre la mer, est selon
la grâce faite à chacun
propice à la méditation,
à la prière, porteurs que
nous sommes de tant d'intentions,
personnelles et familiales.
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Sainte Anne (et Joachim) ne
sont pas mentionnés dans aucun des quatre
évangiles, mais dans le
Proto-Évangile de saint Jacques, document
apocryphe qui n'est pas sans valeur. Ils y figurent
comme parents de Marie, Mère de
Jésus. La dévotion à leur
égard s'exprime dans de nombreuses statues,
ou vitraux dans églises et chapelles de la
contrée. Sainte Anne y est souvent
représentée instruisant Marie enfant,
avant l'Annonciation par l'ange à
Nazareth.
Les lectures bibliques que
nous venons d'entendre nous instruisent sur le fait
patent que la foi chrétienne est
fondée sur des événements du
passé, que nous n'avons pas vus, mais
communs, parce que transmis par des témoins
authentiques. Le Pape François l'a redit
dans son Exhortation sur l'Évangile : "Le
Croyant est fondamentalement quelqu'un qui fait
mémoire " (§13)
Longtemps déjà
avant la naissance de Jésus (1ére
lecture), Sirac le Sage écrivait : "Faisons
l'éloge de ces personnages glorieux qui sont
nos ancêtres. Il y a des gens dont le
souvenir s'est perdu, il n'en est pas ainsi des
hommes de miséricordes". Comme il est bon de
rencontrer sur notre route des hommes et des femmes
de miséricorde, qui humanisent les relations
entre personnes.
Ce disant nous sommes en
plein dans l'actualité. Pourquoi dire cela ?
La dévotion à sainte Anne introduit
à la confiance en Marie. Elle doit tant au
couple de ses parents pour être prête
à accueillir l'annonce de l'ange à
Nazareth.
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Or aujourd'hui en
France, en Bretagne les enfants dans le plein vent
de la société contemporaine ne
peuvent grandir sans un solide ancrage dans
l'intergénération, à commencer
par papa et maman, ancrage trop souvent
fragilisé.
Quelle chance est
donnée aux enfants, dont les parents contre
vents et marées tiennent le coup dans le
mariage, et qui bénéficient de
l'affection secourable de grands-parents. je sais
que des malheurs peuvent survenir, et le rôle
d'un évêque n'est pas de juger, mais
d'encourager et d'éclairer.
Néanmoins dans
l'espérance, comment inlassablement ne pas
souligner l'importance de la filiation, pour
franchir sans encombre le cap des turbulences de
l'adolescence.
Heureux sont-ils, et ils
aideront les autres, ceux qui jeunes adultes
peuvent admirer leurs parents, et comme Sirac le
Sage admirer ceux dont ils ont reçu la vie.
Mais quoi qu'il arrive, personne n'est prisonnier
du passé.
Enfin la contemplation de la
mer, le répit de l'étal, sont
propices à la mémoire du coeur,
à la réflexion, à la
prière. L'intercession de sainte Anne peut
aider à réfléchir à nos
responsabilités dans la transmission, de ce
que, selon l'Évangile, les prophètes
n'ont pu voir et entendre, et que Jésus a
donné de connaître à ses
disciples, "les mystères du
Royaume".
La croix du rivage ou des
chemins du Pays-Blanc, la collégiale de
Guérande, les noms de quelques un des
bateaux de pêche amarrés dans le port
de La Turballe, rappellent que l'Évangile a
été annoncé, parfois au prix
du sang, depuis des générations dans
cette belle contrée par, comme
l'écrit Sirac, des "hommes [des
femmes] de miséricordes".
Pardonnez-moi d'insister sur
notre responsabilité commune pour qu'ici au
Pays-Blanc, habitants et estivants, le sel de
l'Évangile ne perde pas sa saveur. Ne
dilapidons pas par légèreté et
facilité l'héritage de
l'évangile. "L'homme ne vit pas seulement de
pain", il risque de s'enliser dans
l'idolâtrie des moyens
matériels.
Apprenons toujours mieux
à passer de ce qui ce voit à ce qui
se croit, ce que nous faisons chaque fois que nous
célébrons l'Eucharistie, que nous
communions.
Que le Seigneur
bénisse La Turballe, les familles, comme les
isolés, et que sous la protection de sainte
Anne, nous sachions nous remettre à Marie,
Notre dame, l'étoile de la mer.
Monseigneur Guy
THOMAZEAU
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